Horreur et beauté dans la décharge de Kirindy, Madagascar

Où et comment voir un fossa à Madagascar

La forêt stridulait. Un son si assourdissant qu’il m’évoquait le bruit que fait une rivière agitée. Mais nous avions déjà emprunté ce chemin en journée et il n’y avait aucun cours d’eau à proximité. Intrigués, Frederik et moi avons allumé notre lampe de poche en même temps. Le bruit venait du sol, que je pouvais voir bouger, onduler.. C’était comme si une rivière noire recouvrait les déchets qui couvraient le sol de la forêt. Il m’a fallu de longues secondes pour comprendre ce que je voyais. Nous nous trouvions au milieu d’un tapis mouvant constitué de milliers, peut-être même de millions de blattes de Madagascar, une vraie vision de cauchemar. Horrifiés, nous avons tourné les talons et avons couru comme des fous vers notre chambre situé dans le camp. Nous ne sommes plus sortis cette nuit-là pour emprunter le petit chemin qui menait à la décharge de la réserve de Kirindy. Nous nous sommes dit que finalement, ce n’était peut-être pas une bonne idée de se balader là-bas au milieu de la nuit.

Madagascar hissing cockroach Blatte malgache
Blattes de Madagascar

Nous étions arrivés à la réserve de Kirindy la veille, après une longue route sur une piste cahoteuse qui venait du Parc National des Tsingy de Bemahara. Nous étions impatients d’arriver à Kirindy, pas seulement parce que la réserve est superbe et contient de nombreuses espèces d’oiseaux et de lémuriens, mais surtout parce que nous avions entendu dire qu’il était possible d’y voir un fossa. Le fossa ( Cryptoprocta ferox) est le plus grand prédateur terrestre de Madagascar. C’est un animal fascinant, non seulement par son apparence, qui donne l’impression d’être en face d’un mélange étrange de chat et de chien, mais aussi par son comportement car le fossa se nourrit de lémuriens qu’il chasse dans les arbres. Si vous avez déjà vu un lémurien passer d’arbre en arbre avec une agilité sans égale, l’idée d’un fossa poursuivant une telle proie est tout simplement époustouflante. Puisqu’ils vivent seuls, chassent la nuit et deviennent de plus en plus rares, il est particulièrement difficile d’observer un fossa dans la nature.

Le chemin qui mène au camp de la forêt de Kirindy

Nous n’avions que deux jours et deux nuits pour explorer la forêt de Kirindy. Notre première expédition se fit de nuit, le moment parfait pour observer une faune très particulière. J’adore me promener dans la nature pendant la nuit: on peut entendre les insectes et autres animaux gratter dans le sol ici et là. C’est aussi quand on peut enfin observer les caméléons trop bien camouflés pendant la journée, les lémuriens nocturnes, les hiboux, les serpents, les papillons de nuit et mes préférées, les araignées. Cette nuit-là, nous avons eu la chance de trouver un microcèbe de Mme Berthe, le plus petit (et le plus adorable) primate du monde. Il ne pèse que 35 grammes et vit dans les arbres où il se nourrit de fruits, d’insectes, de fleurs et de nectar. Cette espèce, qui n’existe qu’à Madagascar comme tous les lémuriens, est en grand danger d’extinction, principalement dû au fait que son habitat disparaît peu à peu. Nous étions extatiques d’en voir un, mais pour ne pas trop le déranger, nous avons vite continué notre promenade. Pas de fossa cette nuit-là.

Selon notre guide, il est bien possible de voir un fossa à Kirindy, et relativement facilement. Mais il y a un truc. Pour voir ce formidable prédateur, nous devions simplement nous diriger vers… la décharge du camp. Dans ce gros trou rempli de déchets, un fossa opportuniste vient régulièrement chercher des restes de nourriture. Pour voir le fossa, il nous suffisait donc de nous rendre à la décharge toutes les 15 minutes entre le coucher et le lever du soleil et avoir un peu de chance. L’idée de passer deux jours de vacances dans une décharge malodorante n’est pas vraiment une vision charmante, mais nous étions prêts à tout pour voir un des plus rares prédateurs au monde.

Dès le lendemain matin, nous avons donc commencé nos aller-retours vers la décharge. Nous sommes arrivés à notre dernière matinée à Kirindy et jusque-là, à part notre terrifiante rencontre avec les blattes, nous n’avions trouvé que des tas de détritus. Il était déjà tard dans la matinée et nous savions que nos chances de voir un fossa étaient maintenant presque nulles, mais nous savions aussi que quand il s’agit d’observer les animaux sauvages, la persévérance est aussi importante que la chance. Nous avons donc fait nos valises, puis nous avons continué à nous rendre dans la décharge avant de repartir avec notre chauffeur. Heureusement, il n’y avait plus une blatte en vue maintenant qu’il faisait clair. 

Près de 11 heures. Frederik et moi décidons de rejoindre la décharge une dernière fois. Frederik passe en premier, atteint le plus gros des trous, regarde au fond et laisse échapper un ‘Oh !’ étranglé. Curieuse, je m’approche à mon tour et là je le vois, figé, son regard plongé dans celui de Frederik. Un fossa. J’ai ressenti une grande bouffée d’excitation à la vue de ce magnifique et puissant animal aux grands yeux dorés. Lentement, Frederik a pris son appareil photo et a réussi à capturer un portrait de notre fossa avant que celui-ci ne se détourne de nous et d’un bond impressionnant ne quitte le trou rempli de déchets pour s’enfuir dans la forêt sans un regard en arrière. Tout cela ne prit qu’un instant. Nous ne pouvions pas encore le croire, mais nous avions vu un fossa.

Un fossa parmi les détritus dans la Réserve de Kirindy
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